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.. post:: 2023-08-19 20:40
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:category: En coulisses
:author: kujiu
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Déchéance
=========
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:width: 70%
:align: center
:alt: Une femme travaille tard le soir
:title: Image par Katerina Limpitsouni
.. warning::
Attention, la lecture de cet article peut
être assez difficile. Ne lisez pas si les
sujets suivants vous incomfortent trop :
esclavage, burn-out, relations de travail
toxiques.
Un autre article fera le point sur les
projets incessamment sous peu. Vous ne
manquerez donc pas d'information.
.. note::
Cet article ne sera pas disponible en
version audio, je ne me sens pas capable
d'enregistrer ce texte. Cependant, il
s'agit du premier disponible en français
et en anglais.
Et donc dans mon dernier article, je disais
que je communiquerais plus durant l'année 2022.
Et un an et demi plus tard, j'émerge de nouveau
dans cet espace. Il s'en est passé des choses
durant ce temps, et j'ai encore besoin de me
reconstruire. Tous mes projets se sont écroulés,
et je me tiens là, face à un champ de ruines.
Il est temps que je vous explique mon absence
et ses conséquences.
Tout a commencé début 2022. J'avais refusé de
travailler sur un projet qui me semblait
boiteux, et de toute façon je n'en avais pas le
droit. Un client de mon compagnon avait proposé
un contrat qui allait soit disant nous rendre
riches. La bonne blague, surtout que les
montants n'ont pas arrêté de chuter. Mais malgré
mon refus, le client a lourdement insisté. Puis,
petit à petit, le chantage est arrivé. Si je ne
réalisais pas ce projet, ils allaient virer du
monde. Et des personnes en Belgique n'auraient
pas la possibilité d'exercer un droit
fondamental. Toutes mes oppositions ont été
rejetées. Et quand je disais que tout était
techniquement difficile, j'étais juste
ridiculisé. Un piège s'était refermé. Il m'était
impossible de refuser, et j'ai travaillé
gratuitement pendant six longs mois.
Mes réserves étaient bien fondées. Et il fallait
tenir des délais. Petit à petit, mes horaires
ont augmenté pour arriver à 14h par jour,
sept jours sur sept. Sur six mois, ce sont
aux alentours de 1900h de travail. Si je ne
tenais pas les délais, ils allaient virer des
gens, et il faut bien penser aux enfants non ?
J'ai donc arrêté tous mes projets. J'ai stoppé
mes soins médicaux, et les douleurs ont augmenté.
J'ai serré les dents, j'ai continué, je n'avais
juste pas le choix. Et dès qu'on parlait de mes
horaires, je recevais juste des encouragements
parce qu'il fallait le faire, sinon il se
passerait des choses. Et en plus de ça, le
projet était vraiment mal défini. J'ai fait
et défait et refait tant de code ! J'avais
l'impression de travailler pour rien et sans
aucune considération.
J'ai réussi, j'ai rendu le projet. Mais après ça,
je n'ai pas su me détendre. Le stress
continuait à monter. Peu après, un matin, je me
suis levé. Je suis allé préparer mon thé et je
suis resté figé. Je ne savais plus comment
fonctionnait la bouilloire. Alors je me suis
assis devant l'ordinateur. Je ne savais plus
comment s'appelait le programme que je devais
lancer, ni même ce que je devais faire. Le
burn-out était décompensé. J'ai eu besoin d'un
mois pour réussir à enfin préparer mon thé
tout seul. Trois mois furent nécessaires pour que
je sache à nouveau cuisiner. Cela fait
un an que je me reconstruis. Développer me
provoque encore des angoisses. Je commence à
peine à me sentir à nouveau chez moi dans un
terminal.
Au-delà de ça, j'ai pris du poids qu'il faut
maintenant perdre. Les douleurs musculaires
sont encore très difficiles à vivre, et j'aurais
besoin de plus de soins pour gérer ma
maladie. Je dois encore renforcer tout mon corps
par une activité physique qui m'a été interdite
durant tant de temps. Il me faudra probablement
encore un an avant de me rétablir sur le plan
de la santé physique. Quant à mon compagnon, lui
aussi a dû travailler sur ce projet. Il est
indépendant et n'a pas pu travailler pour ses
autres clients durant très longtemps. La perte
financière est énorme, entre 20000 et 25000
euros. On a réussi à retrouver un équilibre
financier, mais cela n'a pas été simple.
Heureusement que nous avons réussi à nous passer
de chauffage une bonne partie de l'hiver.
J'ai mis du temps pour mettre des mots sur
cette situation. Un chantage qui force au
travail, des conditions inhumaines et un
organisme qui s'enrichit d'un logiciel grâce à
ça, les conditions sont donc remplies pour
qualifier une traite d'être humain. J'ai
découvert que l'esclavage continue dans nos
sociétés, que toutes les strates sont concernées.
Pour ma part, je suis sorti de tout ça, et
j'espère ne pas avoir à retourner dans ce
genre de situation. Je pourrais vous dire que
si on vous force à travailler, si on tente
de vous faire chanter, refusez et assumez
les conséquences. Car tout ne sera que bien
pire plus tard. Mais ce conseil est trop
simpliste, une situation réelle a toujours
sa part de complexité. Je sais qu'il existe
des associations pour aider les victimes,
n'hésitez pas à y aller si ça vous arrive
ou si vous en êtes témoin.
J'ai eu de bonnes rencontres durant ma
reconstruction. Les projets que j'avais sont
en sommeil depuis tout ce temps. L'heure
du retour a sonné. Mais tout ça, ce sera
l'objet d'un autre article.
Prenez soin de vous, évitez les relations
toxiques et à bientôt.