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.. post:: 2016-12-24 00:00
:tags: noël, surveillance, science-fiction, robot
:category: Fiction
:author: kujiu
:location: BLA
:language: fr
:excerpt: 1
Un Noël à l'ancienne
====================
.. image:: assets/24_noel_ancetres.svg
:width: 70%
:align: center
:alt: Des enfants jouent avec des boules de neige autour d'un bonhomme de neige.
:title: Image par Katerina Limpitsouni
Préface
~~~~~~~
Cette histoire s'inscrit dans un futur cycle long, et pour lequel je ne me sens
pas encore prêt. Je vous laisse donc dans cet univers, apocalyptique, froid et
sous surveillance. Il existe quelques références extérieures, saurez-vous les
retrouver ? Bonne lecture et bonnes fêtes à tous.
Un Noël à l'ancienne
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
L'enfant se réveilla, dans sa chambre aux murs gris. La couleur était interdite
par la loi. Il se leva et alla directement faire sa toilette. Il disposait de
quinze minutes pour cela, le compte à rebours s'afficha en rouge sur les murs
de la chambre et de la salle de bain. Il revêtit son uniforme gris et alla
directement à la cuisine, équipée uniquement d'un évier, d'un placard et d'une
poubelle à aspiration. Il prît la boîte de nourriture dans le tiroir, l'ouvrit
et mangea la mixture brunâtre, comme lors de tous les repas. Il termina alors que le
compte à rebours du repas indiquait encore une vingtaine de secondes, il devrait
faire attention durant le reste de la journée à bien respecter les
horaires. De lourdes sanctions s'imposaient au bétail incapable d'agir selon
les instructions de la machine. L'enfant mit la boîte vide et la fourchette
que cette dernière contenait dans le tube d'aspiration de la poubelle. Il se
lava rapidement les mains et quitta la cuisine. La place devait se libérer
rapidement pour que sa mère puis son père puissent manger. Les discussions avant
le travail n'étaient pas tolérées.
Andy, le robot humanoïde, attendait l'enfant dans le couloir pour lui passer
ses chaussures de travail. Il en verrouilla les fermetures, et activa l'alarme.
Les chaussures pouvaient aussi bien envoyer une décharge électrique en cas de
désobéissance que tracer tous les mouvements en dehors de la maison. Cependant,
ce modèle était voué à disparaître avec le marquage ADN nouvelle génération qui
se répandait de plus en plus. L'enfant se dirigea vers l'école, en empruntant la
voie par identification pédestre et en respectant les durées imposées par
l'ordinateur. Il voyait le compte à rebours grâce à ses pupilles
bio-technologiques. L'enseignement scolaire servait essentiellement à comprendre
les actions requises par un métier, sélectionné selon les attributs de l'individu
grâce à des algorithmes avancés. L'enfant suivait la filière gestion de carrière.
Il apprenait comment évaluer l'efficacité au travail d'un être humain, selon les
tests nécessaires. Le programme informatique indiquait également l'intérêt de
la mise au rebut des corps inefficaces, sans indiquer le devenir des êtres.
L'enfant rejoignit sa
salle individuelle de formation, sans croiser personne d'autre. Les horaires
étaient définis pour éviter toute perte de temps, surtout les contraintes
sociales. Andy veillait à ce que l'enfant respecte bien les règles, à distance,
grâce aux traces laissées par les chaussures dans le système Sibyl.
Les robots du type d'Andy communiquaient toutes les informations au système
central de gestion du dôme. La commune était en effet enfermée pour se protéger
des fléaux extérieurs. Les êtres humains ne résistaient pas à un environnement
aussi hostile. Et il était bien plus malléable et corvéable quand il est
enfermé. Quelques hommes, privilégiés par leurs castes, n'étaient pas soumis
au même régime. Ils se prélassaient en longueur de journée, regardaient leurs
fictions favorites ou encore les esclaves se tuer entre eux aux arènes
communales. Ils profitaient des fruits et légumes du potager ou encore des
« rebutés » du système, drogués et amorphes, pour les torturer à loisir. La
SCL - Sibyl Corporated Limited - gérait la commune depuis des siècles voire des
millénaires. Cette entité électronique régissait la vie de tout être selon les
ordres des castes supérieures.
Une alarme retentit dans le silence morbide de cette cité. Des voix s'élevèrent
sous une petite ruelle abandonnée.
« — Mais, Roger, je t'avais bien dit de ne pas toucher à ce câble !
— Je sais bien, Aline. Mais j'ai glissé. Et puis pour le moment, Sibyl n'a pas
repéré l'endroit exact.
— Ça ne saurait tarder, il va falloir fuir avant.
— Attends, je rebranche ailleurs pour désorienter le système. »
L'enfant rentra le soir, les patrouilles des forces armées circulaient dans
toute la commune à la recherche d'indices. L'enfant arriva juste à la fin du compte à
rebours. Il ouvrit la porte, Andy l'assistant personnel l'attendait.
L'androïde se jeta sur l'enfant et lui mit les fers sur les poignets.
La famille entière était mise au rebut. Le robot informa l'enfant qu'il était
tenu responsable, comme ses parents, d'un acte de rébellion et de vandalisme
sur le système Sibyl. Un lieutenant des forces armées arriva peu après avec deux
Kappa, des robots sur roues équipés d'une carapace protégeant une artillerie
impressionnante. L'enfant fut embarqué dans un fourgon jusqu'à son lieu de
détention.
Il fut placé dans une petite pièce contenant uniquement un banc solidaire
du mur, la porte fut fermée. Il s'assit et resta cloîtré dans son silence.
Pendant ce temps, le système Sibyl essayait de retracer les actions délictueuses
sans y parvenir, Il était évident que l'enfant n'était pas l'auteur. Il était
coupable car il en était décidé ainsi et une vérité du système Sibyl ne peut
être contredite en aucun cas. L'enfant attendait son sort, les mains sur les
genoux, le regard dans le vide et totalement inexpressif.
« — Josh, tu vas arrêter un peu, tu vois bien que le système a repris non ?
— Je te rappelle, chère Aline, qu'on est dans un conduit abandonné, dans le noir,
à ramper dans la boue et qu'il n'y a strictement aucun équipement à proximité,
alors je fais du bruit si je veux !
— Toi et tes grands airs, répliqua Aline, je te rappelle également que si
je n'avais pas trouvé ce conduit, on y serait resté.
— Et ça va encore être de ma faute ! s'exclama Roger, à l'arrière de la file. »
Le trio de rebelles s'immisçait dans la citadelle interdite, le sanctuaire
du système Sibyl. Aline et Josh, ainsi que leur fils Roger, avançaient
désormais à pas feutrés le long de couloirs souterrains oubliés même du système
central. Josh disposait d'une bonne vision de nuit suite à sa modification
d'ADN. Il guidait les deux autres dans le noir. Aline et Roger préféraient une
vision de jour, pour ne pas être aveuglés par le moindre rayon de lumière.
« — Aline, d'après mon terminal, ils ont enfermé quelqu'un à notre place, indiqua
Roger.
— Toi, tu vas encore vouloir qu'on aille le récupérer avant qu'il ne finisse aux
arènes !
— Et tu vas me le reprocher ? C'est toi qui a eu cette idée de libérer tout le
monde du système pour une fête païenne que tu appelles comment déjà ?
— C'est Noël, et puis oui, je trouve qu'une fête, ça aidera les gens à se
réintégrer. »
L'enfant restait toujours immobile dans sa cellule, en attendant le verdict. Des
bruits de coups lui parvenaient du plafond. Il réfléchissait alors aux
procédures à appliquer en cas de bruit suspect dans un bâtiment, et quels outils
utiliser pour évaluer le travail des bâtisseurs. Une trappe s'ouvrit sur le
plafond. La tête d'une femme apparut.
« — Salut, toi ! interjeta Aline à l'enfant. »
Mais l'enfant restait cloitré le regard dans le vide.
« — On a désactivé les robots, tu peux parler, ajouta Aline.
— Je vais avoir des problèmes si je parle.
— Ils ne le sauront pas, et ils vont te tuer si tu restes là. Viens avec nous ! »
L'enfant ne discutait jamais les ordres. Il attrapa ainsi la main qu'Aline lui
tendait depuis l'aération du plafond. Josh le libéra des chaussures traceuses,
de sa montre connectée et déconnecta les yeux de Sibyl. L'enfant suivit les
trois rebelles le long du
tunnel, sans parler. Ils arrivèrent alors à l'issue, la lumière
irradiait de plus en plus fort. Le conduit menait directement dans le centre
administratif fortifié. Roger s'adressa à l'enfant.
« — Tu as un nom petit ?
— Je suis le citoyen travailleur en formation numéro 76802309.
— Ce n'est pas un nom ça, que dirais-tu d'Arthur ?
— Je ne suis pas un noble, je ne peux pas avoir un nom.
— Mais si, c'est très bien, et puis il y'a bien eu un Arthur qui était pauvre
et qui est devenu noble en retirant une épée d'un rocher.
— Bon d'accord, mais est-ce que Sibyl est d'accord ?
— Nous sommes dans la lutte contre Sibyl, ce système qui réduit la plupart
des humains à l'esclavage. On a décidé d'y mettre fin aujourd'hui, et tu vas
nous être utile.
— Sibyl va nous tuer si on fait ça.
— Ne t'inquiète pas trop pour ça, nous désactiverons Sibyl, il est temps que tu
évalues aussi sa qualité de travail à elle. »
Le groupe de rebelles se dirigea vers la tour centrale. Le système n'était pas
gardé puisque la population entière était surveillée. Cependant, un contrôle
d'accès persistait sur une porte blindée au bas de la tour. Roger prit la main
d'Arthur et l'amena de l'autre côté du bâtiment.
« — Tu vas m'aider à ouvrir cette petite trappe là, on tire à trois.
— D'accord.
— Un. Deux. Trois. s'exclamèrent-ils en cœur.
— Maintenant, examine un peu tous ces fils, ordonna Roger. Et puis essaie
de me dire ce qui correspond au système d'ouverture de la porte.
— Il faut que je me souvienne. Je n'ai plus les accès au terminal. Vous avez du
matériel pour tester dans votre sac ?
— Bien sûr, mais tu peux me tutoyer, on n'est pas de Sibyl nous. Et pour le
terminal, j'ai ce qu'il faut.
— D'accord, il me faudra un analyseur de fréquence. Et j'ai besoin de la table
de correspondance A38 sur les différents signaux de contrôle. »
Arthur récupéra le fréquencemètre pendant que Roger interrogeait son terminal
portable. La fiche A38 était en accès restreint, Roger s'employait à contourner
les différents systèmes de sécurité informatique. Il avait réussi à se procurer
les clés et mots de passe nécessaires pour la plupart des opérations. La fiche
apparut sur l'écran et Arthur put faire la distinction des câbles.
« — Alors le jaune ici, c'est le contrôle de la porte, l'alarme est ici dans le
vert et l'alimentation dans le brun. Ce bleu ici, c'est le neutre. Et après,
tu as les données d'analyse pour Sibyl dans cet autre jaune. Il faut donc
couper ce jaune-ci mais il faut l'alimenter directement en 48V et rajouter
une porteuse pour dire que tout va bien. Tu as un modulateur de fréquence ?
— Je te passe ça. »
Arthur réussit à ouvrir la porte d'accès sans éveiller le moindre soupçon. Roger
était impressionné, et il ne pouvait pas s'empêcher de penser à la remarque que lui ferait
sa mère. Arthur et Roger retournèrent vers la porte et rejoignirent Aline et
Josh. Ils entrèrent tous les quatre dans la tour. L'intérieur était constitué
d'une immense pièce unique en forme de dôme. Une grande quantité de câbles
rejoignait de grandes machineries au centre. Arthur s'approcha du système.
« — C'est bizarre ici, ce n'est pas un centre de contrôle.
— C'est un échec ? demanda Roger.
— Non, c'est un centre énergétique. C'est l'alimentation de Sibyl, répliqua
Arthur. »
Le groupe décida de couper l'électricité de Sibyl et retirèrent les fusibles.
Ils détruisirent l'installation électrique. Une alerte retentit dans l'ensemble
de la commune.
« — Alerte. Alerte. Alerte. Système énergétique défaillant. Arrêt de Sibyl dans
quinze minutes. »
Les robots rejoignirent tous leur point de rassemblement pour préparer
l'extinction. Le groupe de rebelles sortit juste à temps pour éviter les robots
chargés de la réparation.
« — Alerte. Alerte. Alerte. Système énergétique non réparable. Arrêt de Sibyl
dans dix minutes. »
Les chaussures de tous les citoyens cessèrent de fonctionner, les témoins
lumineux s'éteignirent. Les dix minutes qui restaient à Sibyl s'écoulèrent
avec le bruit de l'alarme annonçant l'extinction. Les nobles allèrent
dans les véhicules d'évacuation pour quitter la commune. Ils étaient incapables
de se battre ou de gérer une rébellion.
« — Alerte. Alerte. Alerte. Système Sibyl interrompu. »
Le groupe d'Aline annonçait la bonne nouvelle aux habitants et demanda à tout
le monde de se rassembler sur la Grand Place. La fête de Noël put s'organiser
en musique, avec les victuailles préparées à l'avance. Aline et Josh expliquaient
comment vivre sans Sibyl. La population devait réapprendre à vivre. Mais quelque
part, à des dizaines de mètres sous terre, d'énormes ordinateurs faisaient
clignoter leurs voyants. Sibyl avait été vaincu par une bataille surprise, mais
la guerre n'était pas finie et les données de cet échec étaient désormais
inscrites dans le réseau. Il n'était donc pas une bonne idée d'asservir
l'ensemble d'une population, le système préparait une vengeance sans merci.